Et puis toi, t'es là, tu bouges pas, tu le regarde partir. Tu fixes son dos, et à mesure qu'il avance, tu doutes de plus en plus qu'il ne se retourne pour te faire un dernier sourire, ou au moins un signe de la main. Plus il s'éloigne, plus le doute s'installe plus tu supplies fort. Tu te sens con parce qu'il ne se retournera pas et que toi t'attendra jusqu'à ce qu'il ait disparu au premier virage et qu'il ne reste pas plus de quinze mètres. Alors tu comptes ses pas : un, deux, trois, quatre...tu fermes les yeux et continues en rythme... cinq, six ... les rouvres...sept, huit. Et c'est fini.
Tu restes là encore une vingtaine de secondes, et s'il avait oublié quelque chose ? Puis tu t'imagines le voir revenir sur ses pas pour te serrer fort, et finalement tu te dis que tu ferais mieux d'arrêter de penser n'importe quoi et t'arracher de là.
Tu te dis, c'est pas grave, il finira bien par revenir, faut lui laisser le temps.
Dans ses lettres, tu le sens prendre de la distance, devenir plus détaché, plus impersonnel. Tu sais pas si c'est un peu pour rire, si c'est toi qui te monte le bourrichon ou si effectivement il commence à t'échapper.

Tu sais, quand tu vas à la mer et que t'essayes de prendre la plus grosse poignée de sable possible dans ton poing ? Ben la t'es en train de serrer très très fort, mais ça suffit pas, y a toujours des grains qui arrivent à se frayer un chemin. Alors t'ouvres ta main, une dizaine de grains collés sur ta petite paume moite, c'est tout ce que tu as réussi à sauver. Et en plus t'es un peu enchylosé à avoir serré si fort. Comme un con. Comme un fou. Là, t'as fait pareil, tu l'as serré près de ton coeur aussi fort que t'as pu pour ne pas qu'il s'en aille mais ça n'a pas suffit, il rêvait d'ailleurs. Et tout ce qu'il te reste, c'est quelques souvenirs à embellir. Comme un con. Comme un fou.

Ca avait le goût désagréable des adieux. Trop salé.