amuse-girl

Mardi 29 janvier 2008 à 16:32

Lettre à Rimbaud. Verlaine m'a sauvé de toi.


 

J'essaie d'oublier. J'essaie de t'oublier. Mais je ne suis pas bonne élève et je n'arrive pas à combler mes lacunes, mon manque de toi.
Tu es ma plus grosse faiblesse, mais rassure toi j'y remédie. Quelques fois même, je m'applique tant que je me trouve indécente à cracher sur nos souvenirs. Ne t'inquiètes pas, je ne culpabilise pas longtemps. Tu n'en vaux pas la peine. J'essaie de m'en convaincre. Ma psy m'assure que je suis sortie d'affaires. C'est la moindre des choses avec le fric que je laisse sur son bureau chaque lundi  et les larmes que j'ai versé sur son foutu canapé. Tu es chanceux que je ne te demande pas le partage des dépenses, pas celui des larmes évidemment, tu es incapable d'éprouver quoi que ce soit.

Je te voudrais mort. Tu n'imagines pas combien cela aurait été plus simple. Je n'aurais eu qu'à hurler au monde mon désespoir et lui demander pourquoi nous avoir arraché au bonheur que la vie nous promettait. 

Mais tu ne m'as pas rendu la tâche facile. Non. Tu m'as quitté, sans préambules :

« Je ne t'aime plus ». Cinq petits mots qui sifflent dans l'air.  «J'ai rencontré quelqu'un ». Quatre autres les rejoignent. Je les regardent flotter au dessus de nos têtes.

Je devrais la plaindre, la pauvre, la mettre en garde, mais au lieu de ça je la jalouse. De toute manière tu n'en sauras jamais rien.

Et tu m'as laissé seule, hébétée sur le banc faisant face à la fontaine du parc Rimbaud, en me disant Adieu, l'air embêté, plus parce que tu craignais que je n'éclate en sanglots devant toi que de m'avoir quitté.

Tu es parti, marchant plus vite que d'habitude. 
Mais je n'ai pas détourné mon regard de cette fontaine pour te voir partir, elle versait les larmes qui ne me venaient pas.
Je repensais à cette pièce de cinquante centimes que tu as jeté  dos à la fontaine un après midi de mai. "A nous". Et je t'ai cru. Idiote. 

Je suis restée l'air hagard quelques temps et soudain je me suis jetée dans cette fontaine, j'y ai remué toutes les pièces, cherchant la preuve que je ne valais rien à tes yeux, où du moins pas le prix auquel je m'attendais. Hystérique et trempée jusqu'à l'os, je brassais frénétiquement l'eau. 

Les gens me regardaient comme si j'étais folle. Mais ce qu'ils pouvaient penser de mon pathétique, m'était bien égal.
A bout, je me suis écroulée et ai pleuré, enfin,  jusqu'à étouffer mes poumons d'une eau qui n'était même pas potable. Peut être que d'ici quelques heures je réussirais à en faire déborder ma fontaine, -notre fontaine- avec mes larmes.

Le gardien m'a prié de m'en aller. Je faisais du tort aux gens qui souhaitait prendre l'air en cette saison d'automne. J'ai rassemblé le peu de dignité qu'il me restait pour partir la tête haute, et souhaiter au gardien de ne jamais rencontrer quelqu'un dont il était tombé amoureux dans un parc, en face d'une fontaine. Il a souri. Et il y avait de quoi.

Si j'écris c'est parce que je me soigne, je vais mieux. Surtout depuis les trois dernières semaines. M'étant promené avec Paul (un ami qui ne demande qu'à être plus et qui m'aide à occulter ma douleur), et lui racontant Toi, et ce qui fut nous, je t'aperçus. Jetant une pièce dans la fontaine du parc Rimbaud, enlaçant à la taille celle qui m'a remplacée. J'ose espérer que tu as été moins radin cette fois.

                                                        « L'amour est à réinventer ». Arthur Rimbaud

 

Lundi 28 janvier 2008 à 16:29

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